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Résumé de la MIE de Strasbourg portant sur les rats

Le 21/09/2020, le Conseil municipal de Strasbourg a proposé la création d’une Mission d’Information et d’Évaluation (MIE) portant sur la gestion des rats en ville et des animaux liminaires dans l’habitat.
Le 3/05/2021, le Conseil municipal de Strasbourg a adopté les conclusions et propositions de la MIE.
Les propositions faites nous invitent à repenser collectivement nos techniques de lutte contre la reproduction des rongeurs pour favoriser les méthodes préventives / anticipatives et limiter les techniques de lutte les plus cruelles envers les rats.

Ce résumé du rapport a pour objectif d’informer sur l’avancée de la réflexion et sur les outils proposés par la Mairie de Strasbourg. Cela ne signifie pas que PAZ soutient le constat ou les méthodes mentionnées. Une partie du vocabulaire (prolifération, infestation…) choisi dans le rapport nous dérange, car il véhicule une image négative que nous essayons de déconstruire. Nous placerons ces termes entre guillemets. Le terme “prolifération” est remplacé par “reproduction”, terme factuel sans aucun sous-entendu. 
Nous choisissons de ne résumer que la partie concernant les rats (le rapport de la MIE se divise en deux grandes parties : les rongeurs et les punaises de lit ; en l’absence de consensus scientifique sur la sentience des punaises de lit, PAZ ne travaille pas sur cette question). Enfin, nous tenons à souligner que la mise en place d’une MIE sur les rats est une première (à notre connaissance), ce que PAZ salue.

Comment cohabitons-nous avec les rats ?  

De tout temps, les rongeurs ont prospéré avec l’urbanisation de nos sociétés et se sont implantés durablement dans nos villes. Leur rôle manifeste dans les grandes épidémies a fait émerger des mesures de salubrité publique consistant à assurer la gestion des rongeurs ; ces mesures évoluent encore aujourd’hui.

 

Remarque de PAZ : L’association entre les rats et les “grandes épidémies” est malvenue. L’expression « grandes épidémies » est trop générale. Nous recommandons cette interview de Philippe Reigné, cofondateur de PAZ : https://www.liberation.fr/france/2018/05/02/la-mauvaise-reputation-des-rats-remonte-a-l-antiquite_1646686/ 

 

Plus spécifiquement, le rat brun, espèce de rat prédominante en France (rattus norvegicus aussi appelé surmulot), cohabite avec nous en creusant des galeries dans la terre, en occupant l’isolation de nos habitats ou en construisant ses propres installations. Si l’espèce du rat brun dispose d’une forte capacité d’expansion (conditionnée par l’offre alimentaire), ses conditions de vie difficiles, dues en partie à l’action de l’homme, ralentissent son développement. La dégradation de certaines de nos infrastructures par ces rongeurs et les maladies dont il peut être porteur (appelées « zoonoses », comme la rage, la leptospirose, la salmonellose ou le typhus murin) requièrent un contrôle de ces populations.
 

Les méthodes actuelles de gestion des rongeurs en France


Les techniques de lutte utilisées en France sont encadrées par des lois, des directives, des règlements et parfois une jurisprudence. La majorité sont des techniques curatives traditionnelles, divisées en trois types d’actions : 

  • le piégeage (pour tuer, comme par exemple les captures, les pièges à glu et les percuteurs dits “tapettes”), 

  • l’empoisonnement (les générations de poisons évoluent du fait du développement d’une résistance des rongeurs),

  • la répulsion (dispositifs sonores principalement).

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 Si les méthodes contraceptives sont interdites en Europe (le risque d’interaction avec l’humain est jugé trop grand), de nouvelles méthodes sont en phase d’expérimentation. 

 

A travers sa MIE, la Mairie de Strasbourg recommande un nouveau type de gestion des rongeurs : la lutte intégrée. Il s’agit d’un outil stratégique reposant sur une approche préventive et anticipative, puis curative si la situation l’impose in fine. Elle vise à éliminer durablement les “infestations” quand elles surviennent, plus largement à les prévenir et les empêcher au préalable. 

La gestion des rongeurs est encadrée par un ensemble de règles d’hygiène, de santé et de salubrité publique mises à la disposition des maires. Ces règles concernent majoritairement la salubrité des habitations (propreté des locaux communs et particuliers, murs, planchers, baies, canalisations, cours des immeubles collectifs, collecte des ordures ménagères, jet de nourriture aux animaux, logements d’animaux). Comme partout en Europe, la loi impose également aux acteurs de l’agro-alimentaire de définir et de mettre en place des mesures de sécurité sanitaire.

 

La situation de Strasbourg 


Au cours de l’été 2020, la ville de Strasbourg a connu une forte recrudescence de rongeurs, largement corrélée au confinement du printemps 2020. Ce phénomène a été observé principalement dans les espaces résidentiels, publics, récréatifs et touristiques, à forte densité de population et dans lesquels des déchets sont abandonnés. En effet, le confinement a créé des conditions favorables à la prolifération des rongeurs (augmentation des déchets organiques, perturbation du service de collecte des déchets, déchets déposés hors des containers par peur de la Covid-19, etc).

 

Remarque de PAZ : Sans étude dénombrant les rongeurs en amont et en aval pour mesurer une évolution, il n’est pas possible d’affirmer avec certitude qu’il existe une “forte recrudescence”. Cela peut être une impression subjective, qui s’explique par un déplacement de population (travaux, crues…).

 

Dans ce contexte, une MIE a été chargée d’identifier les causes et de proposer des pistes visant à améliorer les méthodes de gestion des rats en ville. Une telle mission implique de s’intéresser aux différents acteurs de lutte et à leur rôle : le Maire, le service « Eau et Assainissement », les bailleurs sociaux, les propriétaires, les syndics, les locataires et occupants de logements, les professionnels concernés, les professionnels de la Dératisation, Désinsectisation, Désinfection (ou 3D).

 

Les difficultés des méthodes actuelles

 

La MIE a identifié différentes causes favorisant le développement des colonies de rongeurs :

 

– Un recours insuffisant à la lutte intégrée (définie ci-dessus). En effet, les techniques actuelles sont principalement tournées vers l’élimination des rongeurs, avec une faible part des interventions qui s’occupe de réaliser de la prévention. La MIE recommande une révision de la stratégie de lutte pour identifier les points critiques – essentiellement structurels – favorables au développement des rats. Cela permettrait de supprimer les causes situées très en amont, en privilégiant les actions préventives et en limitant le recours aux rodenticides, qui présentent des risques d’exposition pour l’environnement.

 

– Une coordination insuffisante entre les acteurs du territoire (service propreté, service collecte des déchets, régies de quartier).

 

– Des populations trop peu impliquées, qui entravent la bonne maîtrise des déchets sur les territoires. La MIE souligne également la nécessité de recourir à la communication et à la sensibilisation auprès du personnel et des citoyens, comme un levier d’action pour faire progresser les pratiques individuelles.

 

– Des aménagements et des équipements favorables au développement des rongeurs.

 

Des propositions d’action pour améliorer collectivement et durablement notre gestion des rongeurs en ville

 

Sur la base de ces constats, la Mairie de Strasbourg a établi un plan d’action construit de façon très partenariale, avec la volonté de renouveler collectivement nos pratiques dans le cadre d’une lutte intégrée, à la fois plus efficace et durable, contre la reproduction des rats. Les pistes d’amélioration proposées sont les suivantes :

 

– L’amélioration de la connaissance du phénomène par la création d’un observatoire de la reproduction des rongeurs. Sa mise en œuvre devra veiller à intégrer l’ensemble des acteurs concernés par cette problématique et à définir des indicateurs communs, de manière à ce que les données soient intégrables et comparables.

 

– L’accélération de la transition méthodologique pour favoriser la lutte intégrée, aux dépens des méthodes curatives. Plus précisément, trois axes de travail sont proposés : 

  • la généralisation de la réalisation de diagnostics, 

  • l’instauration d’un suivi étroit des situations pour s’inscrire dans un traitement durable et pérenne, 

  • la mise en place de contrôles préventifs des zones vulnérables pour identifier rapidement l’apparition d’une “infestation”.


– L’utilisation de la commande publique comme levier de renforcement de la lutte. Cela consisterait en l’incitation des bailleurs à engager un diagnostic sur leur patrimoine et en l’amélioration de la coordination des espaces partagés.

 

– L’intégration de la lutte contre la reproduction des rongeurs dans la conception des aménagements et des équipements publics, en constituant des groupes de travail pour penser une configuration adéquate, en concevant des équipements de collecte des déchets adaptés, et en améliorant les points de collecte de propreté urbaine quotidienne ou des encombrants.

 

– L’adaptation de l’organisation des services publics, afin que les modalités d’intervention en matière de propreté urbaine répondent aux enjeux de territoire.

 

– L’implication structurelle des populations dans cette lutte par la formation des acteurs de terrain et au développement d’une stratégie de communication dans les espaces vulnérables, enfin par la sanction des comportements inciviques.

Ces pistes d’amélioration devraient nous encourager à repenser nos méthodes de contrôle des rongeurs : minimiser l’utilisation de techniques curatives au profit de techniques anticipatives et préventives, c’est rendre la lutte contre la reproduction des rats plus efficace, mais surtout exempte de cruauté.