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Résumé de la note de l’UICN sur les méthodes non létales de contrôle des populations animales

En 2017, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) a rédigé pour le compte de la Commission Européenne une note sur les méthodes non létales de contrôle des espèces de vertébrés dites “espèces exotiques envahissantes” (EEE). Cet article résume certaines méthodes destinées à limiter la reproduction de ces animaux, qui sont évoquées dans cette note.

Cohabiter pacifiquement avec les animaux liminaires nécessite des méthodes non létales pour limiter leurs populations lorsque cela est nécessaire. C’est la raison pour laquelle PAZ s’intéresse à toutes les publications relatives aux méthodes non létales. 
Cela ne signifie pas que PAZ soutient les méthodes mentionnées. En effet, nous pensons qu’il faut être vigilant à ce que ces méthodes soient développées dans l’intérêt des animaux (limitation de la souffrance, des effets secondaires, et impact sur l’espérance de vie). Nous ne pouvons présupposer que les recherches actuelles s’imposent cette exigence. 
Cet article a donc pour objectif principal d’informer sur l’état de la recherche concernant les méthodes non létales.

La note précise bien qu’une solution validée pour une espèce doit subir une étude espèce-spécifique pour être validée pour une autre. Cependant, elle décrit des méthodes testées sur des espèces qui ne sont pas sur la liste EEE, en supposant qu’après étude espèce-spécifique, celles-ci pourraient être transposées. 

Nous vous présentons les méthodes non létales suivantes, qui visent à limiter la reproduction : la stérilisation chirurgicale, l’intervention post-fertilisation, les contraceptifs non vaccinaux, les vaccins contraceptifs et le forçage génétique.

La stérilisation chirurgicale

La façon la plus évidente de limiter la fécondité est la stérilisation chirurgicale. Son avantage majeur est qu’elle entraîne une infertilité permanente. L’applicabilité de cette méthode dépend du contexte, en particulier de la facilité plus ou moins grande avec laquelle les animaux se laissent capturer. À cet égard, il est logique que les populations de chats ou de chiens errants constituent la principale cible de la stérilisation chirurgicale. Enfin, la stérilisation chirurgicale est économiquement coûteuse en raison des frais associés à la capture, au transport et à la réalisation de l’intervention chirurgicale. Quitte à capturer les animaux, il est probable que d’autres méthodes, telles que l’injection de substances appropriées (cf. plus bas), seraient des options plus rentables car elles n’entraînent pas les coûts vétérinaires associés à la stérilisation chirurgicale.

La note est évasive concernant les effets de l’utilisation d’anesthésiants sur les animaux lors de la stérilisation chirurgicale. De plus, cette technique reste invasive et peut être contestée. Dans le cas d’écureuils gris en Italie, des associations de protection animale s’y sont opposées.

Remarque de PAZ : En 2011, GAIA révélait des images terribles de pigeons stérilisés à vif en France, pour le compte de la Belgique. Il est évident que cela est inacceptable. De plus, il est impératif de ne pas blesser ou tuer les animaux durant tout le processus, y compris pendant les captures.

L’intervention post-fertilisation

L’intervention post-fertilisation consiste à empêcher le développement d’un embryon ou d’un fœtus. En pratique, ce sont essentiellement les œufs d’oiseaux qui sont ciblés. Les œufs peuvent être retirés du nid et remplacés par des œufs factices, pour éviter de susciter une nouvelle ponte. Il est également possible d’altérer les œufs dans le nid en les secouant, en les piquant ou en les enduisant d’huile, ce qui empêche leur éclosion. Ces méthodes demandent beaucoup de travail mais, lorsque les nids des oiseaux sont localisables et accessibles, ce sont des techniques efficaces, qui ont été utilisées avec succès, notamment pour gérer des populations de cormorans et de goélands.
Concernant l’huilage des œufs, cette technique bloque les pores de la coquille pour priver les embryons d’oxygène. La note précise que la Humane Society of the United States recommande de le faire avant le que le développement embryonnaire ne soit trop avancé. Par exemple, pour une espèce d’oie, elle préconise la limite de 14 jours (une méthode de diagnostic consiste à vérifier si l’œuf flotte quand il est placé dans de l’eau).

La contraception non vaccinale

Les méthodes contraceptives consistent à faire ingérer à des animaux, ou à leur injecter, des substances diminuant leur fertilité de façon temporaire ou permanente. Il existe plusieurs familles de contraceptifs non vaccinaux, qui répondent à différents modes d’action :

  • des hormones synthétiques, dont le fonctionnement est semblable à celui des molécules utilisées en contraception humaine. Par exemple, le quinestrol est un œstrogène et le mélengestrol est un analogue de la progestérone ;

     

  • des agonistes de l’hormone de libération des gonadotrophines (GnRH) : ces molécules miment l’action naturelle de la GnRH, qui consiste à stimuler indirectement les ovaires et les testicules, mais de façon exagérée. Il en résulte une sur-stimulation des gonades suivie de leur épuisement, d’où un blocage de l’ovulation chez les femelles et de la production de sperme chez les mâles. Il a été démontré par exemple que la desloréline réduit la fertilité du chat domestique ;

    Les molécules présentées dans ces deux premiers points sont administrées via des implants. La note fait part d’inquiétudes liées à l’exposition à long terme aux hormones pour les animaux et de la possible transmission aux prédateurs et charognards, mais indique qu’une étude serait intéressante pour plusieurs espèces de la liste.

  • le diazacon diminue la fertilité des oiseaux et des mammifères en bloquant la production de cholestérol, qui est un précurseur des stéroïdes mâles et femelles que sont la testostérone, l’œstradiol et la progestérone. Cependant, ce produit n’est pas très prometteur car l’efficacité observée est limitée et des effets secondaires ont été notés.

  • la nicarbazine est un contraceptif oral spécifique aux oiseaux, qui agit sur la membrane vitelline située entre l’albumen de l’œuf et le jaune, empêchant ainsi le développement de l’embryon. La nicarbazine est déjà employée en Italie pour contrôler les populations urbaines de pigeons ;

     

  • l’injection intratesticulaire de gluconate de zinc, qui a été testée chez le chien, tue les spermatozoïdes et bloque de façon permanente les conduits testiculaires.

     

  • l’époxyde 4-vinylcyclohexene diepoxide et le triptolide présentent une toxicité pour les ovaires des mammifères dont ils perturbent le fonctionnement. Le triptolide interfère également avec la production de sperme. Le ContraPest, qui combine ces deux molécules, est un produit efficace pour diminuer la fertilité des rats ;

  • les conjugués GnRH-toxine ciblent sélectivement les cellules productrices de GnRH et les détruisent. Cela peut conduire à une stérilité permanente, à la fois chez le mâle et chez la femelle. L’efficacité de tels conjugués a été démontrée entre autres chez le chien et le rat.

     

Le mode d’administration de ces substances est une question importante. Une solution est l’administration orale : la molécule contraceptive est intégrée à de la nourriture en libre accès que l’animal mange volontairement. Cette technique a l’avantage d’être peu invasive mais nécessite que l’animal ingère régulièrement le produit ; tout en s’assurant que celui-ci n’est pas dangereux en cas de surdosage. D’autre part, il est parfois nécessaire d’empêcher que des individus d’autres espèces y aient accès. 
Il est également possible d’administrer les agents contraceptifs par injection ou par implant chirurgical, mais cela implique la capture des individus, ce qui est coûteux et pas toujours réalisable.

Remarque de PAZ : Comme spécifié dans le paragraphe sur la stérilisation, lorsque des animaux sont capturés et opérés chirurgicalement, il est primordial de ne pas les blesser et de ne pas les faire souffrir.

Les vaccins contraceptifs

Une approche relativement récente est l’immunocontraception. L’idée est de vacciner les animaux contre des antigènes impliqués dans les processus reproductifs, de sorte que, suite à la vaccination, l’organisme produise des anticorps qui entraînent une diminution de sa propre fertilité. Les principales cibles des vaccins sont la zone pellucide et la GnRH. La zone pellucide est la membrane qui entoure un ovule de mammifère et qui permet que les spermatozoïdes s’y lient. La production d’anticorps contre la zone pellucide peut donc empêcher la fécondation des ovules. La GnRH contrôlant à la fois le cycle menstruel et la production de sperme, un vaccin anti-GnRH peut être efficace non seulement sur les femelles, mais aussi sur les mâles.

Un avantage des vaccins contraceptifs est qu’ils présentent moins de risques d’effets indésirables, notamment en cas de surdosage, que les techniques contraceptives hormonales ou chimiques. Là encore, le mode d’administration est une question cruciale. Le développement de vaccins administrés par voie orale est difficile car ils nécessitent des quantités de principe actif bien plus élevées (de 10 à 100 fois) que les vaccins injectables.

À ce stade, les vaccins contraceptifs sont encore pour l’essentiel en phase expérimentale, même si certains vaccins comme le GonaCon et le ZonStat-H ont prouvé leur efficacité – au moins temporaire – chez de nombreuses espèces, dont les chats domestiques, les chiens de prairie et les écureuils gris. Cependant, le GonaCon reste contre-indiqué pour une espèce d’écureuil et des effets secondaires ont été observés pour certaines espèces.

Le forçage génétique

Le forçage génétique est une technique d’ingénierie génétique nouvelle et véritablement révolutionnaire. Plus facile et efficace qu’auparavant grâce au système moléculaire CRISPR-Cas9, elle a pour objet de modifier la probabilité de transmission d’un gène à la génération suivante. Alors que celle-ci est normalement de 50%, le forçage génétique – comme son nom l’indique – force la transmission du gène avec une probabilité voisine de 100%. Cette technologie est efficace et facile à mettre en œuvre en laboratoire. Pour limiter la démographie de certaines populations animales, le principe est de forcer la transmission d’un gène qui diminue la reproduction / l’accroissement de la population. Les études en laboratoire essaient par exemple de montrer qu’il est possible d’éradiquer complètement une population en faisant en sorte de forcer la transmission de gènes mâles, dans le but d’aboutir à une population constituée uniquement de mâles qui finirait donc par s’éteindre naturellement.

Il existe deux stratégies de propagation des gènes :
– une stratégie basée sur des gènes « self-sustaining » conçus pour se répandre dans la population. La note fait remarquer les dangers potentiels d’irréversibilité et de perte de contrôle ; 
– une autre, moins périlleuse, basée sur des gènes « self-limiting » conçus pour disparaître quand on arrête d’introduire des individus qui les portent dans la population.

Depuis 2016, la Nouvelle-Zélande a lancé un programme de forçage génétique ciblant huit EEE (rats, belettes et opossums en particulier), avec pour objectif leur éradication d’ici à 2050.

Remarque de PAZ : Soulignons que la technologie du forçage génétique soulève de profondes questions éthiques du point de vue de la condition animale et de l’écologie, avec parfois des conséquences difficilement prévisibles. Certaines méthodes s’appuient notamment sur des modifications à l’échelle de l’individu et posent donc la question de la souffrance induite aux animaux.

Ainsi, il existe pour contrôler les populations animales différentes catégories de méthodes non létales, même si certaines en sont encore à un stade expérimental. On peut en tirer deux conclusions. Premièrement, la recherche existe et des solutions sont possibles. Il est inacceptable de ne pas y investir des moyens. Deuxièmement, on voit qu’il s’agit d’un sujet complexe, d’une haute technicité, et dans lequel les connaissances évoluent rapidement. Dans ces conditions, ni la bonne volonté ni les présupposés ne peuvent suffire à guider une action efficace. Il est nécessaire pour les scientifiques, les défenseurs des animaux ainsi que pour les décideurs politiques, de développer une véritable expertise dans ce domaine, et de s’assurer que ces recherches sont conduites dans l’intérêt des animaux.

Référence

IUCN. 2017. Information on non-lethal measures to eradicate or manage vertebrates included on the Union list. Technical note prepared by IUCN for the European Commission.

https://circabc.europa.eu/sd/a/518231a9-abdd-47b1-b455-9d78a7e98f0e/Non-lethal%20measures.pdf