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Résumé du rapport de Natagora sur la gestion des populations des pigeons des communes Bruxelloises

Le 11 juin 2019, Natagora, une association belge de protection de la nature, et Bruxelles Environnement* appelé aussi l’Institut Bruxellois pour la Gestion de l’Environnement (IBGE), ont publié un rapport sur la gestion coordonnée de la population de pigeons dans les différentes communes de Bruxelles. À partir de leurs analyses, ils soulignent la nécessité de ne conserver que les méthodes de gestion respectueuses du “bien-être animal”, qui s’avèrent être les plus efficaces. La coordination des actions et la cogestion des stratégies sont également essentielles selon ce rapport. (* L’Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement (IBGE), également appelé Bruxelles Environnement est l’administration de l’environnement et de l’énergie de la Région de Bruxelles-Capitale.)

Le projet commun de Natagora et de Bruxelles Environnement


Ce rapport a pour objectif de proposer une stratégie coordonnée, cohérente et respectueuse du “bien-être animal » afin de diminuer les
« nuisances » (terme employé pour désigner des observations subjectives de la part de certains citoyens) liées à la surpopulation des pigeons dans la région urbaine de Bruxelles. L’analyse dresse l’état des lieux des « nuisances » causées, des mesures en place dans les communes bruxelloises, à Paris et à Barcelone, et analyse l’efficacité de ces méthodes.

Le pigeon des villes, vieil ami des humains

Si l’image du pigeon a largement évolué au cours du temps, il est aujourd’hui pour la majorité des populations sujet de tensions, d’aversion voire de phobie, et est couramment  associé aux maladies et à la saleté. Pourtant, le pigeon domestique, aussi appelé pigeon « biset », est le premier oiseau à avoir été domestiqué par l’homme : sa présence ancienne fait que ces oiseaux font souvent partie de la tradition d’un lieu. En effet, pour d’autres, le pigeon est un oiseau attachant, objet d’attention et de compassion. D’ailleurs, les pigeons sont capables de distinguer les personnes hostiles des personnes bienveillantes à leur égard.

Cette espèce a des capacités de reproduction impressionnantes, avec un haut potentiel de compensation en cas de diminution de la densité de population : en cas de densité basse, l’émigration diminue, la fécondité augmente, le taux de mortalité diminue et la survie des jeunes augmente. Ainsi, réduire activement une population de pigeons aurait des effets contre-productifs, puisqu’on générerait un ressort démographique. Une population de pigeons reste stable sur le long terme (avec des fluctuations annuelles) dans le cas où la capacité d’accueil ne change pas. Notons que les « nuisances » (salissures des fientes principalement) sont liées à la densité et à la concentration d’un grand nombre d’oiseaux dans un lieu donné, et non à la présence de l’espèce en tant que telle.

En Belgique, il faut savoir que les pigeons dits « errants » ne sont pas protégés par la loi sur la conservation de la nature… ils sont considérés comme étant domestiques mais retournés à l’état sauvage.

Les techniques de gestion des pigeons de la région de Bruxelles : quand efficacité et “bien-être animal” vont de pair

Voici une liste des méthodes de gestion utilisées dans la région de Bruxelles, qui répondent à deux catégories d’objectifs : la diminution des nuisances et la diminution de la densité locale. Notons que l’efficacité des mesures de gestion est mesurée par la majorité des communes de la région via la baisse du nombre de plaintes et la diminution des dégradations.

* Les techniques d’effarouchement qui éloignent les pigeons de certains lieux précis (immeubles, façades, ressources concentrées de nourriture, etc.) pour éviter les salissures ou leur reproduction sur ces sites précis. Ces techniques sont mises en place à l’aide d’ultrasons, de méthodes visuelles (mobiles colorés), de bruits de tir factices voire réels . Le rapport suggère d’écarter ces méthodes car elles touchent d’autres espèces non ciblées et leur efficacité est limitée : elles diminuent la densité des populations de pigeons localement, à court terme uniquement.

* L’aménagement et la protection de bâtiments pour réduire voire supprimer  des sites de nidification afin d’éviter des salissures. Non seulement la plupart des moyens utilisés peuvent déranger d’autres espèces, mais ils vont également à l’encontre du bien-être animal  (produits répulsifs, gels anti-pigeons, pose de piques, dispositifs électromagnétiques, etc.). Enfin, cette méthode ne résout pas le problème de la densité de population.

* La diminution des ressources alimentaires pour impacter la fécondité des pigeons (le processus de survie et de reproduction dépend de la disponibilité de nourriture). Les sources de nourriture sur lesquelles le rapport suggère d’agir sont les suivantes : les nourrisseurs (amis des pigeons), les déchets et les manipulations professionnelles alimentaires. Le texte affirme, à partir d’une étude de 2002, que cette méthode est efficace, mais qu’elle doit être soutenue par un travail de coordination et de sensibilisation des citoyens nourrisseurs.

Remarque de PAZ : Nous estimons que les animaux liminaires doivent avoir accès à une alimentation équilibrée et adaptée. Cela doit être organisé et planifié par les villes. L’interdiction du nourrissage est contre-productive (voir notre position).

* La contraception par :
   (i) castration chimique, qui consiste à nourrir les pigeons avec des graines enrobées de principes actifs. Cette méthode présente une toxicité potentielle pour l’utilisateur, l’environnement, les pigeons et les autres espèces qui pourraient l’ingérer.
  (ii) la castration chirurgicale, à savoir la capture et l’opération des pigeons par des vétérinaires. Aucune analyse n’a permis de mesurer l’impact de cette mesure. Cette méthode soulève des questions éthiques.
  (iii) la stérilisation des œufs en disposant des sites de nidification artificiel stérilisateurs. Son efficacité n’est pas démontrée.

Remarque de PAZ : Concernant la castration chirurgicale, l’association belge GAIA a révélé en 2011 des images filmées en caméra cachée montrant la stérilisation des pigeons de Bruxelles. On y voit des pigeons opérés chirurgicalement à la chaîne, sans anesthésie. Nous condamnons cette pratique cruelle et inacceptable.

* L’éradication locale consistant à réduire directement l’effectif de pigeons en les capturant à l’aide d’un filet à canon ou de cages de reprise, en les tuant par gazage ou injection, ou encore en utilisant des fusils et appâts empoisonnés. Au-delà du manque d’éthique évident en matière de bien-être animal (conditions très stressantes en amont puisqu’ils passent plusieurs jours dans les cages sans eau ni nourriture, détresse respiratoire et mort par suffocation), ces méthodes sont très coûteuses et inefficaces.

* L’augmentation de la pression de prédation. Cette technique est inefficace pour réduire l’effectif de pigeons et peut nuire à des espèces plus rares.

Remarque de PAZ : Nous sommes opposés à cette pratique qui demeure une méthode létale. De plus, cela ne fait que déplacer le problème voire en créer d’autres : les prédateurs peuvent s’attaquer par exemple à des espèces que la société souhaite protéger (par exemple les moineaux), comme le précise ce rapport. Encore une fois, cela correspond à une vision du monde où les humains décident quels animaux introduire ou lesquels tuer, plutôt que de cohabiter pacifiquement avec les animaux liminaires.

Comme le souligne le Groupe d’Action dans l’Intérêt des Animaux (GAIA), l’association de défense des animaux la plus influente en Belgique, si une surpopulation de pigeons ne bénéficie ni aux citoyens, ni aux oiseaux eux-mêmes, beaucoup de communes répondent au problème d’une manière aussi brutale qu’inacceptable. Une enquête menée auprès des différentes communes de Bruxelles montre que les mesures appliquées pour contenir l’effectif des pigeons sont les suivantes : l’interdiction de nourrissage (100% des communes) et la protection des bâtiments (77% des communes). Toutefois, 41% des communes ont encore recours à la capture et à l’élimination des pigeons.

Les analyses de Paris et Barcelone confirment la nécessité de favoriser des mesures respectueuses du bien-être animal, pour des raisons d’éthique et d’efficacité

L’analyse des méthodes utilisées à Paris ont confirmé l’inefficacité de l’euthanasie et de la stérilisation sur la réduction de l’effectif des pigeon. Seuls les pigeonniers publics de régulation présentaient des résultats significatifs.

Le Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) condamne également les méthodes d’abattage ou d’empoisonnement, d’inhibition de la reproduction et de limitation des ressources alimentaires (ayant des effets inattendus puisque face à l’interdiction de nourrissage des pigeons, certains continuent à agir secrètement).

Le MNHN recommande une gestion participative des pigeons urbains, en convertissant les nourrisseurs « adversaires » en co-aidants. Cela permettrait de créer de nouveaux liens sociaux autour du pigeon et de favoriser une certaine cohésion communautaire.

Quant à Barcelone, la ville a renoncé aux méthodes utilisées jusqu’en 2015 :, la capture et l’élimination, étant donné leur manque d’éthique, d’efficacité et d’acceptation des citoyens. La mairie de Barcelone soutient que les pigeons sont une valeur ajoutée à la beauté d’une ville et affirme que ces oiseaux n’ont pas envahi les villes : nous sommes responsables de les avoir conduits à vivre parmi nous. La capitale catalane limite l’effectif des pigeons en contrôlant la reproduction, grâce à la mise en place de distributeurs de grains de maïs contraceptifs (infertilité réversible). Cette mesure est accompagnée d’un appel à la co-responsabilité des citoyens pour assurer le bon fonctionnement des distributeurs sur le long terme.

La coordination et la sensibilisation des citoyens : les clés d’une gestion efficace

Remarque de PAZ : Nous adhérons à l’idée que la coordination et la sensibilisation des citoyens soient des axes importants. Il ne faut cependant pas oublier la question centrale du budget, et donc de la volonté politique, pour mettre en place des solutions pacifiques pérennes comme installer et entretenir des pigeonniers contraceptifs, organiser du nourrissage avec des graines contraceptives et former les opérateurs…

Si les méthodes à retenir sont les graines contraceptives, les pigeonniers contraceptifs et la réduction de ressources alimentaires appuyée par une sensibilisation des citoyens, l’efficacité de ces méthodes dépend de leur coordination.

Quels sont les outils que les villes peuvent mettre en place pour assurer cette coordination essentielle ? L’association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles, Brulocalis, a établi les recommandations suivantes :
  (i) la création de revues périodiques adressées aux fonctionnaires et mandataires des communes bruxelloises ;
  (ii) la distribution de fiches technico-pratiques et de newsletters envoyées aux communes ;
   (iii) le lancement d’une plateforme intranet de coordination ;
  (iv) la mise en place de réunions annuelles entre les communes.

De plus, le rapport met en évidence des freins potentiels à la mise en place d’une coordination optimale. Mettre en place une stratégie efficace de coordination implique donc de mettre en évidence et de répondre aux problématiques suivantes :
– le désaccord des communes avec les méthodes sélectionnées ;
– le manque d’intérêt de ces dernières dans la recherche de méthodes de gestion efficaces et respectueuses du bien-être animal ;
– les difficultés de communication entre les communes ;
– les budgets limités.


L’institut Bruxelles-Environnement et l’association Natagora insistent sur la nécessité de centraliser la gestion du projet pour assurer son efficacité et sa viabilité, en nommant un responsable régional de la problématique pigeon qui coordonnera les différentes communes, ce qui permettra d’avoir ainsi une vision globale du monitoring et des actions de gestion réalisées.

Les recommandations de Bruxelles-Environnement et Natagora : la coordination et le bien-être animal au cœur de nos stratégies de gestion des pigeons en ville

Le rapport propose un plan d’action permettant d’assurer une gestion optimale de la problématique des pigeons à Bruxelles. Les éléments de ce plan d’action consistent en des recommandations pour les villes, dont la stratégie de gestion des effectifs de pigeons peut et doit être améliorée. Ce plan est composé de cinq types d’actions :

1. La coordination, grâce à la nomination d’un responsable par commune, à la création d’un site internet, à l’organisation de réunions régulières et à l’établissement d’un bilan annuel des « nuisances » enregistrées et des actions mises en place.

2. La sensibilisation des acteurs et du public grâce à la distribution de fiches synthétiques aux acteurs communaux, à la communication auprès des citoyens (bulletins, panneaux, conférences, réseaux sociaux, etc.) et à la formation des agents communaux.

3. La mise en place d’interventions de terrain adaptées, à savoir (i) la réduction des ressources alimentaires non intentionnelles accompagnée d’un programme de sensibilisation des citoyens, (ii) la mise en place de « pigeonniers » (sites de nidification artificiels propices), la (iii) fermeture de sites de nidification, pour empêcher le passage de pigeons dans des zones précises et la (iv) mise en place de dispositifs non nocifs sur les bâtiments prisés par les pigeons.

4. Le monitoring des populations et des nuisances par le suivi de populations de pigeons (méthodes de comptage) et par le suivi d’un indicateur de conflit (recensement des plaintes).

Le bon déroulement et l’efficacité de ce plan d’action dépendent d’un plan de communication auprès des communes : il est urgent et nécessaire de les convaincre de le mener à bien de manière coordonnée et centralisée.

En conclusion, les analyses de la gestion des effectifs de pigeons menées à Bruxelles principalement, mais également à Paris et à Barcelone, soulignent la nécessité de repenser les techniques utilisées. Il est souhaitable de renoncer à certaines méthodes actuelles qui sont cruelles, et de favoriser des méthodes plus efficaces et respectueuses du bien-être animal : deux conditions qui vont de pair. Le rapport de Bruxelles Environnement et Natagora insiste également sur le besoin de coordination des parties prenantes et de la communication sur les mesures mises en place, afin de viser une cogestion de cette thématique.