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Le permis de pêche

La pêche de loisir a un lourd impact sur les poissons, l’environnement et la conservation des espèces. Pour sensibiliser et former les pêcheurs aux bonnes pratiques, l’instauration d’un permis de pêche serait un levier décisif. Il existe déjà dans plusieurs pays européens.

Les dommages causés par la pêche 

Il existe aujourd’hui des preuves scientifiques solides indiquant que les poissons ressentent la douleur. La question de l’impact de la pêche sur les poissons eux-mêmes est donc cruciale. Par définition, la pêche porte massivement atteinte aux intérêts fondamentaux des poissons :

– L’hameçon inflige des blessures, en particulier aux yeux et à la bouche. Dans le cas où le poisson est remis à l’eau, sa capacité à se nourrir peut s’en trouver compromise ;

– L’extraction de l’eau, la capture et la lutte qui s’ensuit provoquent un stress physiologique intense chez le poisson. En pêche no kill, la mortalité est causée non seulement par les suites des blessures, mais aussi par l’épuisement métabolique consécutif à l’effort fourni par le poisson, lorsqu’il tente de s’échapper ;

– Certains types d’épuisette provoquent des abrasions des nageoires et de la peau, ce qui augmente le risque d’infection chez les poissons relâchés ;

– Les gaffes (perches munies à leur extrémité d’un volumineux hameçon capable de pénétrer la chair et les os des poissons) peuvent provoquer des douleurs et des saignements importants, suivis d’une mort lente par exsanguination ;

– La manipulation des poissons est une source de stress. Dans le cas de la pêche no-kill, elle a un grand impact sur leur survie : le mucus protecteur des poissons est altéré en fonction des précautions prises (mains mouillées ou non) et du temps d’exposition à l’air ;

– En fonction de la méthode de mise à mort (hypothermie au contact de la glace, asphyxie, exsanguination, coups), la perte de conscience et la mort surviennent dans un délai variable. Cette durée n’est donc pas systématiquement minimisée, comme elle devrait l’être ;

– La pêche au vif utilise des poissons vivants comme appâts pour piéger des poissons carnassiers comme les brochets ou les silures. Les poissons appâts sont souvent issus d’élevage, puis vendus par des magasins qui peuvent les détenir dans de très mauvaises conditions comme PAZ l’a révélé dans des magasins Decathlon. Ils peuvent être aussi être préalablement pêchés par les pêcheurs eux-mêmes avant la partie de pêche au vif. Dans les deux cas, ils sont ensuite maintenus vivants dans de petits volumes d’eau pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours. Ils sont ensuite transpercés vivants avant d’être livrés à l’attaque de leur prédateur, sans possibilité de fuite. La pêche au vif est déjà interdite dans plusieurs pays européens : PAZ demande son interdiction en France.

On remarque que, malgré son image moderne, la pêche no kill ne cause pas moins de souffrance aux poissons que la pêche traditionnelle. Au fond, la pêche no kill est un loisir qui consiste, par définition, à blesser les poissons sans justification nourricière. C’est précisément pour cette raison qu’elle est interdite en Suisse et en Allemagne.

En plus d’infliger des souffrances aux poissons, la pêche de loisir est responsable d’autres effets négatifs :

– Une pollution environnementale : le matériel de pêche jeté ou perdu reste sur place pendant des années ; il dégrade l’environnement et peut causer de graves blessures aux animaux sauvages (notamment les oiseaux). De plus, les plombs de pêche (utilisés pour lester la ligne) contribuent significativement à la contamination de l’eau par le plomb ;

– Une diminution des populations de poissons par surpêche et introduction d’espèces non endémiques. Pour pallier ce problème de manque de poissons et pouvoir continuer à pêcher, la pêche de loisir pratique fortement le réempoissonnement, qui consiste à élever des poissons et à les relâcher dans les cours d’eau, dans le but de pêcher. Certaines espèces appréciées des pêcheurs sont introduites ou déplacées alors qu’elles ne sont pas natives (black-bass, silures…) ;

Une perturbation de l’habitat et des animaux sauvages : la collecte intensive d’appâts peut réduire le nombre et “l’abondance” des espèces animales et végétales benthiques (c’est-à-dire celles qui vivent au fond de l’eau). De plus, la pêche en tant qu’activité récréative peut stresser et perturber le comportement des oiseaux associés aux habitats riverains.

Pour limiter les effets délétères de la pêche, il apparaît nécessaire de sensibiliser les pêcheurs et de les former aux bonnes pratiques : c’est tout l’intérêt du permis de pêche.

Le permis de pêche en Europe

En France, n’importe qui peut pratiquer la pêche de loisir, à condition de posséder une carte de pêche. Celle-ci s’achète sur Internet ou dans des magasins de pêche agréés ; la seule contrepartie est le paiement d’une cotisation. Aucun contrôle n’est donc exercé quant aux compétences et connaissances de ceux qui vont pêcher. Il en va autrement dans d’autres pays européens : en Suisse, au Liechtenstein, en Autriche et en Allemagne, il est nécessaire de passer un examen pour obtenir un permis de pêche de longue durée.

En Suisse, une loi de 2009 sur la protection des animaux prévoit que toute personne souhaitant obtenir un permis de pêche de plus de trente jours doit justifier d’une connaissance suffisante des poissons, sanctionnée par une attestation de compétences.

Pour obtenir l’attestation de compétences, il est obligatoire d’acheter un manuel – le Brevet Suisse du Pêcheur sportif – de suivre une formation théorique de cinq heures portant en particulier sur la protection des animaux, et de passer un examen sous forme de QCM. Le programme de l’examen est divisé en cinq chapitres :

1. Connaissance des poissons (ichtyologie) ;
2. Protection des eaux, protection des espèces, écologie ;
3. Matériel et techniques de pêche ;
4. Législation / protection des animaux ;
5. Valorisation alimentaire des prises.

La section législation / protection des animaux définit notamment les bonnes pratiques de capture et de mise à mort des poissons, de façon à limiter leurs souffrances.

Au Liechtenstein, il existe une formation et un examen requérant des compétences identiques à celles exigées en Suisse. L’attestation de compétences suisse permet de pêcher au Liechtenstein, et réciproquement.

En Autriche également, l’obtention d’un permis de pêche est soumise à conditions. L’Autriche étant une république fédérale, les règles varient d’un État à l’autre. Dans la majorité des États, il faut passer un examen sous forme de QCM, comme en Suisse. Ailleurs, la participation à une formation obligatoire permet d’obtenir automatiquement le permis de pêche.

C’est en Allemagne que les règles d’obtention du permis de pêche sont les plus exigeantes. Tout d’abord, une formation théorique et pratique d’au moins trente heures est obligatoire. Il faut ensuite passer un examen théorique semblable à ceux de la Suisse, du Liechtenstein et de l’Autriche. De plus, dans certains Länder, l’examen comporte également un volet pratique, au cours duquel le candidat doit en particulier faire la preuve de sa capacité à mettre à mort un poisson d’une façon qui minimise ses souffrances.

La pêche de loisir représente une cause de souffrance majeure pour les poissons. Pour sensibiliser les pêcheurs et s’assurer qu’ils maîtrisent les bonnes pratiques, plusieurs pays européens ont mis en place un permis de pêche – depuis plus de dix ans pour l’Allemagne et la Suisse. PAZ demande l’instauration en France d’un permis de pêche équivalent : celui-ci comprendrait une formation théorique sur la souffrance des poissons, sur les différentes espèces, mais aussi sur la réglementation, afin de réduire les souffrances infligées aux poissons.

Références

Holmes T.Q. (2020). Impact of UK sport fishing on fish welfare and conservation. Animal Sentience, 3(47). (doi:10.51291/2377-7478.1580)

Réseau de formation des pêcheurs suisses : https://www.formation-pecheurs.ch/

Le bureau numérique de l’Autriche. « Pêcher en Autriche » : https://www.oesterreich.gv.at/themen/freizeit_und_strassenverkehr/fischen_in_oesterreich.html

Fishing-King, cours de permis de pêche en Allemagne et en Autriche : https://www.fishing-king.de/