Des poissons rouges en guise de lots dans les fêtes foraines : cette pratique commune est pourtant illégale. Depuis 2021, PAZ intervient régulièrement, partout en France, pour le rappeler. Il y a en effet urgence à faire respecter la loi, car les stands de fêtes foraines condamnent les poissons à de grandes souffrances, si ce n’est à une mort certaine.
Fête foraine : des souffrances invisibles pour les poissons
Des contenants inadaptés
Sur les stands forains, les poissons rouges sont la plupart du temps isolés dans de minuscules « aquariums » en plastique, voire dans des bocaux ronds. Impossible de savoir combien de temps ils y passent : des heures au moins, des jours peut-être.
→ Pour évoluer correctement, les poissons rouges ont besoin d’une grande quantité d’eau. Les préconisations les plus basses recommandent au minimum 50 litres par animal (ce chiffre est débattu, certains considèrent qu’un volume beaucoup plus grand est nécessaire). Les minuscules contenants dans lesquels les poissons sont proposés sur les fêtes foraines sont donc absolument inadaptés…
À terme, ces conditions de vie peuvent d’ailleurs causer une « nanification forcée » des poissons, puisque la petite taille des « aquariums » les empêche de grandir. En effet, si vous pensiez que les poissons rouges mesuraient entre 2 et 5 centimètres, il faut revoir votre copie : lorsqu’on leur laisse assez d’espace, ces animaux peuvent atteindre la taille de 60 centimètres.
Quant aux dommages des bocaux ronds sur les poissons rouges, ils ne sont plus à prouver : certains pays, comme la Suisse, les ont déjà interdit à la vente, car leur exiguïté, l’amplification des sons ou encore la déformation des perspectives qu’ils causent sont source de souffrances pour les animaux aquatiques.
Milieu de vie pauvre et générateur de stress
Les « aquariums » des poissons rouges sur les fêtes foraines sont vides de tout enrichissement : ni sable, ni gravier, pas même une plante aquatique. Pourtant, ces éléments ne sont pas que de la décoration…
→ Comme de nombreux animaux, les poissons rouges ont besoin se soustraire au regard de ce qu’ils identifient comme des dangers : les plantes aquatiques, les cabanes ou encore les tunnels d’aquarium sont des cachettes essentielles pour réduire leur niveau de stress. Par ailleurs, dans un environnement adapté, les poissons rouges ont tendance à interagir avec leur milieu, par exemple en manipulant des graviers. Ce comportement est si courant que certains chercheurs vont jusqu’à le considérer comme un besoin fondamental.
Quand même l’eau est un danger
Les bacs dans lesquels sont détenus les poissons lors des fêtes foraines sont souvent rudimentaires, au point qu’ils ne sont pas équipés d’aérateurs ni de filtres. De même, il est possible que les « aquariums » aient été remplis avec de l’eau courante, sans précautions particulières. De véritables problèmes…
→ En milieu sauvage, les poissons rouges nagent dans une eau naturellement oxygénée par les plantes, les mouvements des animaux ou encore par l’air en surface. Mais il est nécessaire de placer des dispositifs d’aération dans les aquariums pour oxygéner l’eau. Sur les fêtes foraines, les poissons évoluent dans une eau littéralement irrespirable, au point qu’ils peuvent mourir asphyxiés.
De même, il est nécessaire de porter une attention toute particulière à la qualité de l’eau : par exemple, des études précisent que l’eau des aquariums doit être déchlorée, car le chlore en excès est toxique pour les poissons rouges.
Isolement
La plupart du temps, sur les stands de fête foraine, chaque poisson rouge est isolé dans un bac en plastique. De même, bien souvent, chaque poisson rouge représente un lot : les familles sont donc encouragées à n’emporter chez elles qu’un seul animal.
→ Les poissons rouges sont pourtant des animaux sociaux, voire grégaires : autrement dit, ils ont besoin de la compagnie de leurs congénères ! En liberté, ils se rassemblent en groupes pouvant aller jusqu’à une dizaine d’individus. Les chercheurs ont identifié que le besoin de compagnie était vital pour les poissons rouges : une étude a même montré qu’ils étaient prêts à recevoir des chocs électriques plutôt que d’être privés de la présence de leurs compagnons. Isoler un poisson rouge est toujours une forme de maltraitance.
Conditions de transport
Si les poissons rouges offerts ou vendus sur les fêtes sont parfois donnés dans leurs petits contenants, ils sont aussi souvent remis dans des sacs en plastique souple. Transportés dans cette poche, les risques auxquels ils sont soumis sont innombrables…
→ Dans un sac en plastique, les poissons rouges sont vulnérables aux chocs ou aux chutes, qui peuvent les blesser ou même les tuer. De plus, ils sont exposés aux vibrations et aux secousses auxquelles ils sont particulièrement sensibles. Enfin, quel que soit le contenant dans lequel ils sont transportés, les poissons sont confrontés à des sources de stress considérables, notamment le temps que les familles continuent leur tour de la fête foraine ou rentrent chez elles (vue de prédateurs comme les chiens, secousses, bruits etc.).
Après la fête foraine, l’enfer continue
Personne n’imaginerait accepter la responsabilité d’un chat ou d’un chien gagné par hasard, à un jeu. Il devrait en être de même pour les poissons rouges : la plupart du temps, celles et ceux qui les gagnent à la fête n’ont pas conscience de la difficulté de s’occuper d’un poisson.
Une haute mortalité
Quelle famille fréquentant une fête foraine aura préparé, avant de ramener un poisson gagné par hasard, un aquarium de plus de 50 litres, aménagé avec les plantes et les aérateurs et filtres appropriés, et dans lequel vivrait déjà au moins un autre compagnon ? Qui se sera vraiment informé sur les besoins des poissons rouges, sur le fait que leur eau doit être entretenue, qu’ils doivent être placés dans leur nouvel aquarium avec un grand soin pour éviter les chocs thermiques ? Qui sera capable de détecter leurs soucis de santé, et de trouver comment les soigner, sachant que peu de vétérinaires prennent en charge les poissons ?
S’occuper de poissons rouges demande de réelles connaissances et des compétences techniques. Nul besoin de statistiques pour savoir que bien peu de familles y sont véritablement préparées…
Pour toutes ces raisons, proposer des poissons rouges en guise de lots sur les fêtes foraines revient à les condamner : il ne fait aucun doute que la plupart d’entre eux ne vivent ainsi pas plus de quelques jours ou semaines. Cela leur vaut d’ailleurs une réputation d’animaux ayant une espérance de vie courte alors qu’ils peuvent atteindre l’âge de 30 ans !
De bien tristes survivants
Quant à ceux qui, par chance, survivent plus de quelques semaines, quelle existence leur sera imposée ? Souvent seuls, sans distractions, dans un cadre inadapté, ils sont condamnés à une vie courte et pleine de souffrances… En accueillant un poisson rouge, leurs nouveaux propriétaires pensaient accomplir un acte anodin : ils ne savaient pas que prendre soin d’un poisson est en réalité extrêmement complexe (encore plus que de s’occuper d’un chien ou d’un chat).
Quand elles prennent conscience de la difficulté de s’occuper d’un poisson et de l’argent qu’il leur faut investir, nombre de personnes préfèrent d’ailleurs s’en débarrasser, et les annonces de « dons » de poissons rouges sont légion sur les sites dédiés… Alors que la France fait déjà figure de mauvais élève en termes de chiffres d’abandons d’animaux de compagnie, appliquer l’interdiction de la vente de poissons rouges sur les fêtes foraines est une urgence tant ces animaux sont abandonnés en masse.
Depuis 2000, l’article L214-7 du code rural et de la pêche maritime interdit d’offrir ou de vendre des animaux de compagnie sur des fêtes foraines. Il est plus que temps de faire appliquer cette loi afin de protéger efficacement les poissons rouges qui sont toujours proposés comme lots sur des stands de pêche aux canards. À cet égard, les autorités publiques doivent prendre leurs responsabilités et agir efficacement contre cette forme de maltraitance tristement habituelle : parce que les poissons rouges ne sont pas de vulgaires jouets, ils n’ont pas leur place sur les stands de fête foraine.
Référence
Brown, C., Wolfenden, D., & Sneddon, L. (2019). Goldfish (Carassius auratus). In J. Yeates (Ed.), Companion Animal Care and Welfare: the UFAW Companion Animal Handbook (pp. 467-478). Wiley-Blackwell, Wiley. https://doi.org/10.1002/9781119333708.ch23.