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ANALYSE DES SUBVENTIONS DÉPARTEMENTALES ACCORDÉES À LA PÊCHE DE LOISIR

Après les Régions, PAZ publie aujourd’hui un état des lieux des aides financières – ou en nature – octroyées par les Départements à la pêche de loisir alors même que cette activité ne relève pas d’une compétence départementale (autrement dit les Départements n’ont aucune obligation d’octroyer des financements à la pêche de loisir) ! Un travail titanesque puisque la France compte 101 départements. Nous avons pu en passer 58 au crible. Cet article en fait l’analyse.

PAZ a contacté les 101 Départements français de métropole et d’outre-mer en leur demandant de nous communiquer les documents administratifs sur la période 2020-2023 relatifs à la pêche de loisir. L’accès à ce type de documents est un droit mais malheureusement nous avons eu peu de réponses à nos mails. Nous avons donc dû saisir la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs), qui a pour mission de veiller à ce que les citoyen-es puissent accéder aux documents administratifs. Elle a considéré que les Départements étaient tenus de nous transmettre ces documents. Malgré cet avis favorable, “seuls” 55 Départements nous ont transmis leurs documents soit la moitié et nous avons pu nous procurer les documents de 4 Conseils Départementaux supplémentaires ce qui porte notre analyse à 59 Départements. Notre enquête repose donc sur la bonne foi des Départements ayant répondu avec un doute sur le fait qu’ils nous aient transmis l’intégralité des documents demandés.

La pêche de loisir n’est pas une compétence départementale. Il n’y a donc aucune obligation pour cette collectivité de soutenir cette activité. Pourtant, l’écrasante majorité des Départements qui nous ont répondu soutiennent les fédérations ou les associations de pêche à travers trois types de dispositifs : 

  1. Les baux de pêche : il s’agit d’un lac ou d’un cours d’eau propriété du Département qui est mis à disposition, parfois gratuitement, aux associations de pêche. Dans certains baux de pêche, il est fait mention de l’empoissonnement
  2. Les subventions : les montants peuvent aller de quelques centaines à quelques milliers d’euros. Certaines subventions sont fléchées par projet tandis que d’autres soutiennent le fonctionnement général des organisations de pêche de loisir. 
  3. Les conventions signées entre le Département et les associations et fédérations de pêche. Elles peuvent avoir des objets divers comme la gestion des cours d’eau, l’empoissonnement, la création d’infrastructures type ponton etc. 

En France, l’organisation nationale de la pêche de loisir en eau douce est la Fédération Nationale de la Pêche en France (FNPF). Dans les documents que nous avons reçus, nous n’avons pas vu d’aide directe à cette instance nationale de la part d’un Département. 

En revanche, les fédérations de pêche régionales et départementales de pêche sont soutenues par les Départements. C’est également le cas de certaines Association Agréées pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique (AAPPMA). Ces dernières, au nombre de 3400 sur le territoire français (selon la FNPF), sont des associations de pêche qui gèrent une zone de pêche attribuée.

Sur les 59 Départements dont nous avons pu nous procurer totalement ou partiellement les documents administratifs, 51 d’entre eux soutiennent la pêche de loisir financièrement ou par la mise à disposition d’équipements ou cours d’eau pour l’exercice de la pêche (pour certains à titre gracieux) :

  • AIN

  • ALPES DE HAUTE-PROVENCE

  • HAUTES-ALPES

  • AUBE

  • AUDE

  • BOUCHES-DU-RHÔNE

  • CANTAL (refus d’envoyer les documents mais nous avons pu nous les procurer en épluchant les délibérations sur leur site)

  • CHARENTE

  • CHARENTE MARITIME

  • CHER

  • CÔTE-D’OR

  • CÔTES D’ARMOR

  • DORDOGNE

  • DOUBS

  • DRÔME

  • EURE

  • EURE-ET-LOIRE

  • FINISTÈRE

  • GARD

  • GERS

  • GIRONDE

  • HAUTE-GARONNE

  • HAUTE-SAVOIE

  • HÉRAULT

  • INDRE

  • INDRE-ET-LOIRE

  • LOIRE

  • LOIRE-ATLANTIQUE

  • LOT

  • LOT-ET-GARONNE

  • LOZÈRE

  • MAYENNE

  • MEURTHE ET MOSELLE

  • MEUSE

  • MOSELLE

  • NIÈVRE

  • OISE

  • PAS-DE-CALAIS

  • PUY-DE-DÔME

  • HAUTES-PYRÉNÉES

  • PYRÉNÉES-ORIENTALES

  • SARTHE (refus d’envoyer les documents mais nous avons pu nous les procurer en épluchant les délibérations sur leur site)

  • SAVOIE

  • SEINE-MARITIME (c’est un des seuls Départements a inclure une clause relatif à la condition animale : dans la convention de 2022-2026 il est précisé que les subventions sont conditionnés au fait de ne pas réaliser d’empoissonnement sur les parcelles dont le Département est propriétaire. Soulignons qu’il n’y avait pas cette mesure dans la convention 2017-2022.)

  • SOMME (refus d’envoyer les documents mais nous avons pu nous les procurer en épluchant les délibérations sur leur site)

  • TARN
  • TARN-ET-GARONNE (documents reçus partiellement)

  • VIENNE

  • HAUTE-VIENNE

  • VOSGES

  • VAL-D’OISE

Seuls 8 Départements ne soutiennent pas la pêche de loisir (d’après les informations qu’ils nous ont transmis) : 

  • HAUTE-MARNE
  • MANCHE
  • MARNE
  • SEINE-ET-MARNE
  • VAR
  • VAUCLUSE
  • VENDÉE (absence de réponse pour 2024, ni concernant les baux de pêche)
  • YVELINES

Plusieurs départements ont botté en touche en nous demandant d’éplucher toutes les délibérations votées depuis 3 ans en Conseil Départemental ce qui constitue un travail titanesque que nous ne sommes pas censés faire. C’est le cas notamment du Territoire de Belfort où nous n’avons pas trouvé de preuves probantes, au regard des documents disponibles sur le site internet, qu’ils soutiennent la pêche de loisir.

Les 42 autres Départements suivants n’ont pas daigné répondre à nos mails, malgré l’avis favorable de la CADA :

  • AISNE
  • ALLIER
  • ALPES-MARITIMES
  • ARDÈCHE
  • ARDENNES
  • ARIÈGE
  • AVEYRON
  • CALVADOS
  • CORRÈZE
  • CORSE-DU-SUD
  • HAUTE-CORSE
  • CREUSE
  • GUADELOUPE
  • GUYANE
  • HAUTE-LOIRE
  • ILLE-ET-VILAINE
  • ISÈRE
  • JURA
  • LA REUNION
  • LANDES
  • LOIR-ET-CHER
  • LOIRET
  • MAINE-ET-LOIRE
  • MARTINIQUE
  • MAYOTTE
  • MORBIHAN
  • NORD
  • ORNE
  • PYRÉNÉES-ATLANTIQUES
  • BAS-RHIN
  • HAUT-RHIN
  • RHÔNE
  • HAUTE-SAÔNE
  • SAÔNE-ET-LOIRE
  • PARIS
  • DEUX-SÈVRES
  • YONNE
  • ESSONNE
  • HAUTS-DE-SEINE
  • SEINE-SAINT-DENIS
  • VAL-DE-MARNE

Cette opacité sur l’utilisation de l’argent public est contraire à la loi et révoltante.


Les départements qui ont donné plus de 100 000€ à la pêche de loisir entre 2021 et 2023 :

  • L’AIN a versé 333 971€ de subventions à la Fédération de pêche pour son fonctionnement mais aussi pour contribuer à son budget d’investissement.
  • Les ALPES DE HAUTE-PROVENCE ont versé 103 278€ de subventions pour la création d’une aire de loisir comprenant des espaces de pêche et pour l’organisation de fêtes de la pêche.
  • Les BOUCHES-DU-RHÔNE ont versé 142 913€ dont 51 566€ à la Société Philanthropique de Pêche et de Sports Lou sard pour la rénovation de la base nautique et 91 347€ de subventions à plusieurs associations qui pratiquent la pêche de loisir.
  • La GIRONDE a accordé 477 578€ de subventions à des associations de pêche entre 2021 et 2023 et une enveloppe de 130 000€ est prévue pour la seule année 2024 (voir l’extrait plus bas).
  • La HAUTE-SAVOIE a octroyé 556 412€ de subventions à la pêche de loisir avec, pour la seule année 2023, des aides financières à l’achat de bâteaux, de plusieurs véhicules dont un 4X4 ou d’ordinateurs (voir paragraphe “les dépenses les plus hallucinantes”).
  • La HAUTE-VIENNE a versé 128 135€ aux associations de pêche de loisir avec un soutien massif à l’empoissonnement (voir paragraphe “Ces Départements soutiennent les pires pratiques”).
  • La VIENNE a attribué 106 280€ aux associations de pêche de loisir.
  • Le TARN-ET-GARONNE verse chaque année 34 000€ d’argent public à la fédération de pêche notamment pour son programme d’animations.
Délibération du Conseil Départementale de Gironde
 

Précisons que la majorité des Départements étudiés financent à hauteur de plusieurs dizaines de milliers d’euros la pêche de loisir (72 196€ pour le TARN, 88 973€ pour les CÔTES-D’ARMOR, 96 000€ pour la LOIRE, etc.)

À noter également que les montants des subventions doivent être mis en perspective avec le budget global des Départements.

Au-delà des montants exorbitants, un grand nombre de Départements soutiennent directement les pires pratiques de pêche comme l’empoissonement dans le but de pêcher. À noter que seul le département de la Seine-Maritime conditionne ses subventions à l’interdiction de l’empoissonnement dans les parcelles qui lui appartiennent.

Ils subventionnent directement l’empoissonnement dans le but de pêcher : 

  • FINISTÈRE (5 000€ entre 2021 et 2023) ;
  • HAUTE-VIENNE (100 000€ entre 2017 et 2027) ;
  • HAUTES-PYRÉNÉES (63 903€ entre 2021 et 2023) ;
  • INDRE (7 890€ entre 2020 et 2024) ;
  • NIÈVRE (36 000€ en 2022) ;
  • PUY-DE-DÔME (40 000€ entre 2020 et 2023).

Concernant les interventions sur l’environnement auprès du jeune public et du grand public, c’est aux associations écologistes, qui contrairement aux associations de pêche n’ont pas de conflits d’intérêts sur cette question, que doivent revenir cette mission (actions ou sensibilisation). Les associations de pêche ayant pour mission statutaire de développer le loisir pêche ont un conflit d’intérêt. Apprendre aux enfants ou au grand public à blesser des animaux ne sert pas l’intérêt général.

Le saviez-vous ? Le Département du Cantal donne plus de 1000€ chaque année aux pêcheurs pour qu’ils interviennent au collège Jean de la Fontaine ! Dans les Hautes-Pyrénées le Département a fait un “deal” avec les pêcheurs qui, en échange du pouvoir d’utiliser le lac de Castelnau-Magnoac pour pêcher doivent organiser «une information annuelle, auprès du public scolaire de Castelnau-Magnoac sur la gestion piscicole et halieutique du lac (visites, interventions en milieu scolaire)».

Sans voir le problème de laisser les pêcheurs sensibiliser le grand public voire le jeune public sur “la biodiversité” alors qu’ils contribuent pourtant à nuire aux animaux par leur activité, un grand nombre de Conseil Départementaux demandent même aux fédérations de pêche de le faire contre rémunération ! Ainsi, lorsque l’on regarde les conventions entre les fédérations ou associations de pêche et les Départements dans le détail, on constate que le volet intervention/éducation auprès du grand public est régulièrement inscrit. Ainsi, en Eure-et-Loire, la subvention de 20 000€ à 25 000€ octroyée chaque année aux pêcheurs inclut trois volets dont les “animations halieutiques et éducation à l’environnement”. Idem pour la Loire, où, dans sa subvention annuelle de 32 000€ accordée aux pêcheurs est inscrite la ligne «Animations “pêche” à la ligne sur des sites sécurisés auprès des jeunes publics; en salle ou avec l’atelier itinérant. » Même scénario en Loire-Atlantique où la subvention sur trois ans de 51 000€  prévoit que la fédération de pêche mène 3 “animations nature” par an. Dans le Pas-de-Calais la convention 2023-2025 prévoit une enveloppe de 53 000€ pour la fédération départementale de pêche avec un volet “sensibilisation de différents publics (collégiens, grand public, MFR…) à l’écologie des milieux aquatiques” et 22 500€ à l’association Découverte et Participation à la Préservation des Milieux qui propose des sensibilisations du public aux enjeux liés aux milieux aquatiques et à l’eau, et également sur l’apprentissage des techniques de pêche… Si, la plupart du temps, cette allusion est “noyée” dans la convention parmi d’autres items, nous avons pu constater des aides directes de Départements en direction des pêcheurs pour des interventions. Par exemple, le Département de la Haute-Savoie a octroyé, en 2019, 9 662€ de subventions pour “informer/sensibiliser pour renforcer le lien entre l’homme et la nature” à la fédération de pêche ! De la même manière, sous couvert de “sensibilisation à l’environnement aquatique”, le Département des Hautes-Alpes donne chaque année environ 5 000€ à la fédération de pêche. Dans l’Hérault c’est environ 4 500€ chaque année. Dans la Drôme, 13 685€ ont été distribués entre 2021 et 2023 aux pêcheurs pour leurs interventions auprès de collégiens. Dans certains Départements comme en Seine-Maritime, le Conseil Départemental demande même explicitement aux pêcheurs de faire pêcher les enfants ! En 2024, la collectivité leur a ainsi donné 5 700€ d’argent public pour passer leur baptême de pêche et réaliser divers initiations. Dans le TARN, 1 400€ de subventions ont été versés entre 2021 et 2023 pour des « ateliers pêche » à des évènements sportifs (Caravane du sport, Village du sport) !

Extrait d’un document administratif fourni par le Département de Seine-Maritime

 

Mais la palme du pire en matière de subventions aux interventions des pêcheurs en milieu scolaire est détenu par le Département de l’Ain qui donne plusieurs dizaines de milliers d’euros aux pêcheurs afin qu’ils interviennent auprès des jeunes chaque année. Au total entre 2022 et 2024, 65 625€ ont été déboursés par le Département pour aider les pêcheurs à “sensibiliser aux milieux aquatiques les écoles et centres de loisirs”.

Extraits des documents administratifs fournis par le Département de l’Ain

Saviez-vous que le Département :

  • du Finistère demandait explicitement, dans sa convention, aux pêcheurs de “former les élus” ?
  • de Haute-Savoie participait financièrement à l’acquisition d’un bateau faucardeur et d’un 4X4 avec remorque ainsi que d’ordinateurs et vidéoprojecteur ?
  • des Hautes-Pyrénées finançait l’empoissonnement des lacs de montagnes par hélicoptère* ?
  • de la Loire contribuait au financement d’une maison de la pêche ?
  • du Cantal a donné 22 500€ d’argent public en 2023 à trois particuliers pour leurs meublés de tourisme labellisé Gîtes de France, thématique pêche ?
  • de Lozère a donné 7 000€ d’argent public pour l’organisation du salon de la chasse et de la pêche en 2022 ?
  • de Moselle finançait l’achat d’ordinateurs et de téléphones portables pour la fédération départementale des pêcheurs ?
  • de l’Aude a donné 10 000€ pour financer une application pour que les pêcheurs puissent mieux se localiser ou acheter leur carte de pêche en ligne ?
  • de l’Indre a donné 500€ à une AAPPMA pour l’achat d’une table de pique-nique pour le parking des pêcheurs ?
*Nous considérons l’alevinage comme de l’empoissonnement à défaut de précisions sur l’âge des poissons ainsi que sur leur espèce (espèce pêchée ou non).
  • du Tarn a subventionné à hauteur de 51 700€ l’acquisition d’un lac entre la Fédération Départementale de Chasse et la Fédération Départementale de Pêche ? Et que cet achat a également été subventionné par la Région, la Communauté de Commune, et la Commune ? Et que le Département a également donné 7 350€ pour la gestion de ce lac à une association rassemblant les deux Fédérations Départementales ?

La pêche n’est pas une activité de loisir comme les autres : c’est une activité qui consiste à blesser et/ou tuer des animaux. PAZ demande à ce que les politiques, et notamment les Départements, en tiennent compte.

En savoir plus sur les campagnes de PAZ concernant la pêche de loisir.

PAZ demande donc aux Départements de prendre au sérieux la condition animale en mettant en place les mesures suivantes : 

  • Inclure systématiquement des clauses relatives à la condition animale : l’argent public ne peut pas être donné à des associations de pêche sans conditions. Par exemple, la signature d’une convention/bail de pêche avec une association de pêche devrait être conditionnée à ce que l’association en question inclut l’interdiction de la pêche au vif et de l’empoissonnement dans le but de pêcher dans son règlement intérieur.
  • Cesser de subventionner le développement du loisir pêche : l’argent public ne doit pas être utilisé pour soutenir un loisir qui fait souffrir les animaux.
  • Cesser de subventionner des associations de pêche pour des actions destinées aux enfants, ce n’est pas leur rôle ! Il est temps d’apprendre aux enfants l’empathie envers les animaux : les Départements peuvent commander des actions pédagogiques auprès d’associations de protection animale. Pour ce qui des interventions auprès du jeune public sur l’environnement, c’est aux associations écologistes, qui contrairement aux associations de pêche n’ont pas de conflits d’intérêts sur cette question, que doivent revenir cette mission et les subventions qui vont avec.

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