Depuis sa création, PAZ se bat contre les méthodes d’élimination des animaux sauvages et liminaires, en rappelant leur cruauté. Mais les associations de protection animale ne sont plus les seules à appeler à la recherche de méthodes non létales pour limiter les populations de certaines espèces : les organismes scientifiques rappellent également que les méthodes létales sont inefficaces en termes de gestion des populations d’animaux, mais aussi qu’elles peuvent avoir un impact négatif sur l’environnement et une image désastreuse auprès du grand public.
Dans son étude “Fertility Control for Wildlife: A European Perspective”, l’institut Botstiber, organisme spécialisé dans la gestion de la fertilité des populations d’animaux, avance 8 raisons pour lesquelles l’Europe doit investir d’urgence dans le développement de méthodes alternatives, qui ne nécessitent pas la mise à mort des animaux.
Visuel traduit en français présent dans l’étude de Botsider. Le titre d’origine est “Raisons et contextes pour lesquels l’Europe doit investir dans la recherche sur le contrôle de la fertilité de la faune sauvage afin d’en atténuer l’impact. La « faune sauvage » comprend les espèces de mammifères et d’oiseaux sauvages ainsi que les animaux d’élevage féraux.”.
1/ Les méthodes létales de contrôle des populations ne sont pas efficaces
Les méthodes létales ne diminuent pas le nombre d’animaux
L’élimination des animaux sauvages est souvent présentée, par les acteurs qui ont intérêt à la soutenir (lobby de la chasse, industrie de gestion des « nuisibles » etc.), comme la seule solution pour limiter la population d’une espèce animale donnée et les dommages qu’elle peut causer aux activités humaines (récoltes, etc). Pourtant, les chercheurs de l’institut Botstiber rappellent, en se basant sur une multitude d’études, qu’éliminer des individus ne permet pas de stabiliser le nombre d’animaux, comme cela se vérifie aussi bien pour les espèces originaires d’un milieu comme pour celles qui y ont été importées (souvent accusées d’être invasives).
Cela se vérifie également dans le cas d’espèces dont les effectifs sont en augmentation. Ainsi, poursuivant un soi-disant objectif de « régulation », les chasseurs allemands et français tuent de plus en plus de sangliers : selon un dénombrement datant de 2014, 100 000 sangliers étaient tués chaque année en Allemagne et en France en 1980, et ils étaient 5 fois plus nombreux à être abattus 30 ans plus tard. Pourtant, plus les sangliers sont nombreux à mourir sous les balles, et plus ils sont nombreux dans les campagnes européennes.
Les méthodes létales ne permettent pas de réduire efficacement les populations animales ou les nuisances qu’elles entraînent. En effet, pour certaines espèces animales comme les sangliers, les pigeons ou les rats, la densité de la population joue un facteur important dans la fertilité des animaux. Plus les animaux sont tués massivement et plus les portées sont fréquentes et / ou plus le nombre de petits par portée est élevé. Pour le dire autrement, et selon les relevés scientifiques, éliminer une partie d’une population de ces espèces revient à augmenter leur natalité, et ne permet donc ni de stabiliser, ni de réduire le nombre d’individus de cette espèce.
Les méthodes de contraception se sont montrées plus efficaces pour le contrôle des populations que les méthodes létales
Plusieurs méthodes alternatives, qui n’impliquent pas la mise à mort des animaux, se sont en revanche montrées efficaces pour limiter le nombre d’animaux de certaines espèces. C’est le cas, par exemple, de l’immunocontraception. Cette méthode se présente sous la forme de vaccins contraceptifs à injecter aux animaux. Efficaces plusieurs années durant (selon la formule utilisée), leur action peut être renforcée par l’injection d’une dose de rappel. L’immunocontraception a prouvé son efficacité dans le contrôle et la réduction d’un groupe d’animaux. Elle a notamment été utilisée pour contrôler la fertilité de populations de sangliers, mais aussi de chevaux sauvages, de cerfs, de chèvres sauvages, de bovins sauvages et de bisons, ou encore sur de plus petits mammifères, comme les écureuils. Des études, menées sur des groupes plus restreints d’animaux, ont permis de chiffrer les effets des vaccins contraceptifs : une étude menée au Royaume-Uni sur une population de sangliers captifs a montré que 11 laies sur 12 ayant reçu un vaccin contraceptif étaient infertiles pendant 4 à 6 ans, sans que leur condition physique ni leur comportement en soient par ailleurs affectés. Une étude sur le terrain a, quant à elle, prouvé l’efficacité de ce vaccin sur 4 laies sur 5. Dans son article, l’institut Botstiber mentionne également l’étude menée à Barcelone sur l’usage du maïs contraceptif pour pigeons à base de nicarbazine : celle-ci a conclu qu’en trois ans, l’usage cette méthode avait fait diminuer de moitié la population de pigeons.
→ Lire notre article pour découvrir d’autres méthodes non létales
2/ L’opinion publique est de plus en plus favorable à la mise en place d’alternatives non létales
L’institut Botstiber note également que l’opinion publique évolue rapidement sur le sujet de l’abattage des animaux sauvages et liminaires : alors qu’elle était auparavant favorable à la destruction des populations, elle penche aujourd’hui pour les méthodes de cohabitation entre humains et animaux. Ce changement s’explique par de multiples facteurs. L’urbanisation pourrait en être un : les habitants des zones rurales ont traditionnellement été plus favorables aux méthodes de destruction des animaux sauvages, mais une population plus citadine penchera pour une prise en compte des intérêts des animaux. De même, si l’opinion publique a eu tendance à vouloir préserver les animaux « charismatiques », comme les chevaux, de l’élimination, leur réticence s’étend aujourd’hui à d’autres espèces.
Parfois, la mobilisation citoyenne permet même la mise en place d’alternatives à la mise à mort des animaux. Ainsi, c’est la mobilisation citoyenne qui a convaincu la municipalité de Barcelone de renoncer à l’abattage des pigeons pour passer au maïs contraceptif.
→ Lire notre article sur le maïs contraceptif
3/ L’usage de contraceptifs, en lieu et place des méthodes létales, est aussi un enjeu sanitaire
Le risque de développement de maladies parmi les groupes d’animaux sauvages est souvent mis en avant par les acteurs qui promeuvent leur élimination. Ainsi, en France, il arrive que des décrets autorisent l’abattage massif d’animaux sauvages sur un territoire donné pour des raisons sanitaires, pour le plus grand bonheur des chasseurs. De même, en tant qu’association de défense des animaux, PAZ doit constamment s’opposer à des projets d’élimination de populations de rats ou de pigeons, menacés d’abattage car on les considère, bien souvent à tort, comme des menaces du point de vue sanitaire.
Le travail des chercheurs de l’institut Botstiber apporte une dimension éclairante au débat : l’usage de méthodes non létales est plus efficace pour se prémunir d’un risque sanitaire que l’élimination des populations animales.
En effet, en couplant l’injection d’un contraceptif à celle d’un vaccin, il serait possible de contrôler plus efficacement certaines maladies comme la tuberculose bovine chez les blaireaux, la rage chez les renards, ou encore la peste porcine chez les sangliers. Cette méthode serait également efficace pour les animaux liminaires : un modèle statistique, rapporté dans le texte de l’institut Botstiber, montre par exemple que l’éradication de la rage chez les populations de chiens errants serait deux fois plus rapide, si l’injection d’un vaccin se doublait de l’injection d’un contraceptif.
En effet, en réduisant le nombre d’animaux à naître, la contraception baisse mécaniquement le nombre d’animaux potentiellement victimes de l’épidémie, et donc contagieux pour les autres.
Mais les chercheurs citent également plusieurs avantages de l’usage de contraceptifs, par rapport aux méthodes létales, lorsqu’on souhaite contrôler l’évolution d’une épidémie :
1. En permettant de conserver, dans le groupe, une proportion d’individus vaccinés haute, et au contraire, une densité plus faible d’individus dans le groupe, le risque de réinfection est plus bas ;
2. Ce risque de réinfection est aussi limité lorsqu’on évite l’utilisation des méthodes létales, car les mouvements de population, causés par la fuite notamment, sont moins nombreux ;
3. La contraception réduit également le risque de transmission d’une maladie par la gestation ;
4. Enfin, l’usage de contraceptifs permet aux animaux de conserver une bonne condition physique, en leur épargnant des processus physiologiquement coûteux comme la reproduction, la gestation ou la lactation, ce qui pourrait réduire leur risque de contamination.
L’usage de méthodes non létales a donc bien des avantages dans le cas de la prévention et de la gestion de risques sanitaires.
4/ Les méthodes létales sont néfastes pour l’environnement et les animaux sauvages non ciblés
L’élimination d’animaux a également un coût environnemental, et le grand public est de plus en plus conscient de l’impact sur l’environnement de certaines substances toxiques utilisées pour tuer les animaux. Ces méthodes ont aussi un impact sur des animaux qui n’en sont pas la cible.
Ainsi, malgré les efforts déployés pour que les raticides n’affectent pas les autres espèces, d’autres animaux que les rats et les souris en sont souvent victimes. En Espagne, les raticides utilisés pour limiter les populations de campagnols ont causé la mort d’animaux sauvages, y compris de rapaces déjà menacés de disparition.
Par ailleurs, comme les rapaces migrateurs ingèrent des raticides en mangeant des campagnols empoisonnés, l’impact de ces méthodes létales sur les animaux sauvages non ciblés s’étend bien au-delà de la zone géographique où le raticide est utilisé.
Enfin, le texte rappelle que l’opinion publique est de moins en moins favorable à l’usage de raticides anticoagulants, non seulement en raison de leur impact sur l’environnement et des animaux sauvages non ciblés, mais aussi pour limiter la souffrance animale. Les méthodes alternatives à la mise à mort ont donc de plus grandes chances de remporter l’adhésion du public.
5/ Certaines populations d’animaux ne peuvent être limitées par les méthodes létales
L’institut Botstiber soutient également le développement d’alternatives non létales car l’abattage des animaux est, dans certains contextes, tout simplement impossible à mettre en œuvre. C’est notamment le cas pour des groupes d’animaux petits, isolés, ou encore qui ont un large soutien du public. Pour illustrer leur propos, les chercheurs s’appuient sur l’exemple des zones réensauvagées. Le réensauvagement est une pratique qui consiste à restaurer un écosystème, où l’intervention humaine sera par la suite minimisée. Ces zones peuvent se peupler de grands herbivores. Dans cet espace malgré tout restreint, ces animaux peuvent devenir trop nombreux et donc souffrir de la faim.
C’est ce qui a conduit les autorités à décider de l’abattage de chevaux, de cerfs et de bovins dans la zone réensauvagée de Oostvaardersplassen, aux Pays-Bas – opération qui a rencontré une grande opposition du public. Les auteurs de l’étude donnent aussi pour exemple la zone réensauvagée de Faia Brava, au Portugal : jugés trop nombreux, certains herbivores sont proposés à l’adoption, ou encore abattus pour être mangés.
Dans ces deux cas, l’utilisation de méthodes non létales aurait permis de maintenir la viabilité de l’écosystème réensauvagé, tout en conservant le soutien des citoyens, et en s’assurant de traiter les animaux sauvages avec respect.
6/ L’usage de méthodes alternatives permet d’impliquer les populations locales
L’institut Botstiber note qu’un nombre croissant de citoyens souhaitent s’impliquer dans la gestion éthique des populations d’animaux sauvages. Les auteurs rappellent que cette force de travail bénévole peut être mise à contribution. Cela peut être particulièrement bénéfique lorsque la méthode choisie suppose l’injection d’un produit, puisque les injections peuvent être coûteuses en main d’œuvre.
En tant qu’association de défense des animaux, PAZ connaît la bienveillance des bénévoles et l’importance de leur travail auprès des animaux. Toutefois, nous pensons également que le travail de soin aux animaux est une mission de service public qui doit être prise en charge par nos administrations : les municipalités, par exemple, sont responsables des animaux sauvages ou liminaires vivant sur leurs territoires, et il leur revient de mettre en place les moyens (en interne ou via une délégation de service public) pour qu’ils soient traités avec le soin et le respect qu’ils méritent.
7/ Les méthodes non létales peuvent être utilisées dans des aires où l’élimination d’animaux est impossible
Contrairement aux méthodes létales, les méthodes de contraception peuvent être utilisées dans des zones où l’abattage d’animaux est illégal, ou lorsqu’il peut faire courir des risques aux humains. C’est le cas, évidemment, dans les zones urbaines peuplées. Par ailleurs, l’étude note que les habitants s’opposent souvent à la mise en place de méthodes létales dans les zones où ils vivent. Comme ils interviennent parfois pour s’opposer à la mise à mort des animaux, ils peuvent également courir des risques, ou même mettre en danger, sans le vouloir, les animaux.
8/ Des études suggèrent que la limitation de la fertilité des animaux pourrait réduire l’impact de la faune sur les activités humaines, contrairement à leur élimination
Un nombre croissant d’études et de projections scientifiques suggèrent que les méthodes non létales sont efficaces pour réduire les nuisances causées par les animaux, contrairement aux méthodes létales, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, la contraception tend à réduire les comportements reproducteurs, et donc certaines activités parfois considérées comme gênantes pour les humains : construction de nids, creusage de terriers, expansion des familles etc.
De plus, la mise à mort des animaux est plus à même de causer des déplacements de populations que la contraception : en fuyant ceux qui cherchent à les tuer, les animaux risquent d’être impliqués, par exemple, dans des accidents de la route.
Conclusion
La méta-étude de l’institut Botstider se base sur 137 travaux de recherche scientifique pour établir que l’abattage des animaux est non seulement inefficace pour limiter les populations d’animaux sauvages et liminaires, mais qu’il est même néfaste pour l’environnement et la relation aux citoyens. Au contraire, elle met en avant les premières expériences prometteuses basées sur la contraception, et plaide pour le développement des recherches à l’échelle européenne sur les alternatives aux méthodes létales.
Références
Botstiber Institute for Wildlife Fertility Control Europe. 2023. Fertility Control for Wildlife: A European Perspective
Use of fertility control (nicarbazin) for the management of conflictive feral pigeon colonies, the Barcelona Experience. Webinar.