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Des chevaux sont exploités au Bois de Vincennes à Paris pour des travaux agricoles (débardage notamment). Entre les progrès techniques et la prise de conscience grandissante que les animaux ne sont pas des objets à notre disposition, le recours à la traction animale a de quoi étonner au 21ème siècle. Pourtant la Ville de Paris défend avec force le maintien de cette activité d’un autre temps, prétextant notamment des intérêts environnementaux. Or nous démontrons dans cet article, que la traction animale relève avant tout d’une politique de green washing plutôt que d’une réelle politique écologiste. 

 

Découvrir notre article “Remplacer les machines par des animaux au nom de l’environnement : une mauvaise idée”

 

De plus, la traction animale est profondément contraire à la condition animale : à l’heure où nous avons les moyens de faire autrement, de manière plus efficace, comment peut-on considérer qu’il est acceptable de remplacer des machines par des animaux ? Grâce à l’intervention de PAZ, les chevaux Rapido et Biba, qui ne pouvaient plus être exploités, ont été confiés à la Fondation Brigitte Bardot. La Mairie de Paris a refusé de payer leur pension de “retraite”, qui est donc à la charge de l’association, mais elle a adhéré à un label (payant) concocté par le monde de l’élevage. Nous détaillons ici en quoi ce label est totalement creux et ne signifie rien pour les deux chevaux, Crumble et Baronne, qui sont encore exploités aujourd’hui au bois de Vincennes.

Nous demandons à ce que la Ville de Paris mette fin à la traction animale au Bois de Vincennes et place Crumble et Baronne dans un refuge. De plus, la Mairie de Paris étant l’instigatrice de cette activité, elle doit assurer les frais de ces chevaux jusqu’à leur mort.

Focus sur l’adhésion de la Mairie de la Paris à France Énergie Animale

 

En juillet 2022, l’Adjoint à la condition animale Christophe Najdovski propose au Conseil de Paris d’adhérer à France Énergie Animale (FEA) pour la modique somme de 3750 euros (adhésion annuelle de 750 euros jusqu’à la fin du mandat). Par cette adhésion, la Ville de Paris souhaite obtenir le label « CHEVAL TERRITORIAL » de la FEA, afin de mettre en avant les règles de “bien-être animal” que respecte la Ville de Paris. PAZ s’était opposée à cette adhésion qui venait conforter la Ville dans l’utilisation de la traction animale, une activité contraire à la condition animale. Malgré l’intervention de Douchka Markovic (Parti Animaliste, EELV) qui a souligné qu’”exploiter des animaux pour des travaux agricoles n’est pas du bien-être animal”, le Conseil de Paris a adopté cette adhésion.

Après plusieurs semaines sans réponse, la Ville nous a enfin transmis le contenu de ce label (lors de l’adoption de la délibération, le Conseil de Paris n’avait pas non plus cette information). Nous allons voir ici que ce label est particulièrement médiocre et que le “bien-être animal” tient, encore une fois, plus de la communication que d’un réel engagement.

La labellisation

La labellisation se base principalement sur “du déclaratif et de l’auto-évaluation”. Lorsqu’une collectivité a 3 ans d’expérience dans la traction animale (ce qui est le cas de la Mairie de Paris), elle est labellisée après un auto-diagnostic puis un contrôle de la FEA qui consiste à vérifier seulement quelques mesures (deux par catégorie) et non pas l’ensemble des mesures. De plus, comme nous le verrons dans la partie suivante, la plupart des mesures de “bien-être animal” sont vagues, ce qui n’engage pas à une réelle protection des animaux.

Après la labellisation, la collectivité labellisée court le risque d’un contrôle exhaustif seulement lorsque les contrôles incomplets de la FEA concluent à des non-conformités ou si la FEA l’estime nécessaire au vu des auto-diagnostics transmis.

 

La FEA indique également engager des contrôles complets pour 10% de ses entreprises et collectivités labellisées tous les ans. Si l’on fait le calcul, une collectivité labellisée qui fait de bons auto-diagnostics a donc une chance tous les 10 ans d’être contrôlée. De plus, l’organisme ne spécifie pas que les contrôles peuvent être inopinés : toutes les associations de protection des animaux savent pourtant à quel point le caractère inopiné d’un contrôle est fondamental.

Les mesures de “bien-être animal” 

Le label contient quelques mesures sensées :

  • certains équipements sont imposés et d’autres interdits ;

  • les chevaux utilisés ne doivent pas être âgés de moins de 5 ans ;

  • le temps maximum d’exploitation est de 4h sans pause ou 6h avec pause (on notera que le contrôle de cette mesure est impossible car des horaires fixes ne sont pas imposés).


Mais beaucoup de mesures, que PAZ juge indispensables, sont totalement absentes. Par exemple :

  • le label n’impose pas d’âge limite pour les chevaux ;

  • les chevaux peuvent être envoyés à l’abattoir (!) ;

  • le label n’impose pas un accès à un pré avec abri ;

  • les chevaux n’ont le droit, selon le label, qu’à un jour de repos par semaine et aucune période de repos (“congés”) n’est imposée.


Enfin, de nombreuses mesures sont vagues, donc inutiles car sujettes à interprétation. Par exemple, sur le harnachement, le label spécifie qu’il doit être “adapté à l’activité et bien réglé”. Lorsque l’on constate l’absence de réaction de la Ville de Paris face à l’utilisation de longes en Colbert
pour des balades à poney, équipement violent et totalement inadapté à des balades, on ne peut que douter de sa compétence à mettre en application cette mesure floue.

Poney harnaché avec une longe en Colbert dans un parc parisien. En équitation, la longe en Colbert est un harnachement utilisé uniquement en dressage à pied non monté. L’utilisation de cet équipement pour des balades à poney est d’une grande violence.

Les principales mesures de “bien-être animal” édictées par le label font référence à la Charte pour le Bien-Être Équin. Soulignons que cette charte est soutenue par la FNSEA, Les Jeunes Agriculteurs et INTERBEV. Les mesures sont extrêmement vagues et n’imposent donc rien. Ainsi un des critères est “Je sais reconnaître au plus tôt les signes de douleur que peut manifester le cheval” : la collectivité a simplement à cocher “OUI” pour avoir un point. Sur cet exemple, une véritable charte aurait instauré des mesures concrètes comme le suivi d’une formation pour les employé-es ou un suivi vétérinaire fréquent.


Un autre exemple frappant de la médiocrité de cette charte (et de ce label), est la mesure sur la fin de vie des chevaux :

  • Les animaux peuvent être tués si les soins à apporter ne sont pas “économiquement supportables”. Selon cette charte, il est donc tout à fait acceptable de dépenser des mille et des cents pour le folklore d’utiliser des chevaux pour des travaux agricoles1, mais pas pour payer leurs soins vétérinaires jusqu’à leur fin de vie !

  • La charte n’impose pas d’âge limite, l’un des points de la mesure est même “Je suis capable de faire la différence entre un cheval âgé et malade” : tant qu’un cheval est opérationnel, il n’y a pas lieu de lui accorder une “retraite”.

  • Un point est accordé si la collectivité sait qu’un cheval peut être envoyé à l’abattoir sous réserve de son éligibilité. On a rarement vu pire comme mesure de “bien-être animal”…

Mesure portant sur la fin de vie des équidés de la Charte pour le Bien-Être Équin

Pour conclure, le green-washing est de plus en plus dénoncé : il ne suffit plus d’ajouter un bandeau vert à un emballage pour convaincre que le produit est écolo. Il est temps de ne plus se laisser berner par le même procédé pour la condition animale : une charte ou/et un label de “bien-être animal” peuvent être totalement creux et ne transforment pas une activité qui exploite des animaux en une activité qui les respecte. 


Nous avons déjà démontré que la traction animale était du green-washing. Nous constatons que la labellisation FEA est de “l’animal welfare washing”. Au fond, avec ce label, la Ville de Paris paye pour avoir, avant tout, le droit de se contrôler elle-même sur des critères majoritairement vagues voire inutiles ! Il est d’ailleurs frappant que la Mairie de Paris soit prête à donner de l’argent à un label aussi médiocre, concocté par le monde de l’élevage2, mais pas à payer les pensions des chevaux en “retraite”.

Notes de bas de page

1 L’utilisation de la traction animale est un investissement financier colossal par rapport à l’utilisation d’engins thermiques, pour un gain écologique minime voire nul.


2 La FEA est une association créée à l’initiative de la Société Française des Équidés de Travail. Comme nous l’avons vu, son label fait référence à la Charte pour le Bien-Être Équin soutenue par la FNSEA et Les Jeunes Agriculteurs.